Commande publique et sobriété énergétique : comment adapter les marchés aux objectifs climatiques de 2030

Commande publique et sobriété énergétique : comment adapter les marchés aux objectifs climatiques de 2030

Commande publique et sobriété énergétique : une transition indispensable pour 2030

La commande publique représente près de 10 % du produit intérieur brut (PIB) en France. Véritable levier de transformation, elle a un rôle majeur à jouer dans l’atteinte des objectifs climatiques fixés pour 2030. Parmi ces objectifs, la sobriété énergétique occupe une place centrale avec la réduction des consommations d’énergie et la décarbonation des activités économiques. Dans ce contexte, les marchés publics doivent évoluer pour intégrer pleinement les enjeux environnementaux, tant en matière de prescription que de mise en œuvre contractuelle.

Cet article analyse les mécanismes permettant d’aligner les marchés publics sur les engagements climatiques. Il offre également un éclairage sur les bonnes pratiques et les outils juridiques mobilisables pour favoriser une commande publique sobre et durable.

Les objectifs climatiques de 2030 : un cadre ambitieux pour la commande publique

La Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) et la loi énergie-climat prévoient une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990. Le secteur du bâtiment, fortement concerné, est appelé à réduire sa consommation d’énergie et à recourir davantage aux énergies renouvelables et aux matériaux bas carbone.

La commande publique durable devient donc un outil de planification stratégique pour atteindre ces objectifs. Elle permet aux acteurs publics de faire des choix structurants, aussi bien pour la construction, la rénovation que pour l’exploitation de leurs bâtiments. La logique de sobriété énergétique implique cependant une transformation organisationnelle, technique et juridique des habitudes d’achat.

Inscrire la sobriété énergétique dans la définition des besoins

La phase de définition des besoins est essentielle pour orienter le marché vers des résultats compatibles avec les exigences environnementales. L’article L2111-1 du Code de la commande publique rappelle que les acheteurs doivent définir leurs besoins « en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale ».

Pour y parvenir, plusieurs leviers s’offrent à l’acheteur public :

  • L’analyse fonctionnelle : elle permet d’identifier la solution la plus économe en énergie répondant au besoin réel (ex : remplacer une chaudière par une pompe à chaleur et non simplement en acheter une identique).
  • Le recours aux études de faisabilité énergétique : une étape préalable pour évaluer l’impact environnemental et anticiper les performances énergétiques des ouvrages.
  • La mutualisation des besoins : éviter la duplication des services ou infrastructures et ainsi limiter la consommation globale d’énergie.

Cette approche pragmatique permet d’inscrire dès l’amont la logique de sobriété énergétique dans les marchés publics.

Des critères environnementaux renforcés dans les marchés publics

Les critères d’attribution des marchés sont également un vecteur stratégique. L’intégration de la performance énergétique et de l’empreinte carbone comme critères de sélection permet de favoriser les entreprises qui s’engagent dans une démarche durable.

L’article L2152-7 du Code de la commande publique autorise expressément la prise en compte de critères liés à l’environnement dans l’analyse des offres. En pratique, cela peut se traduire par :

  • Un critère sur les performances énergétiques (consommation, étiquette énergétique, indice de réparabilité, etc.).
  • La prise en compte du cycle de vie et de l’analyse environnementale globale des produits et prestations.
  • La valorisation de variantes performantes (équipements sobres, matériaux biosourcés, procédés innovants).

L’acheteur peut également conditionner la réponse à une labellisation ou une certification (HQE, BREEAM, Effinergie, etc.) afin de garantir un niveau minimal de performance.

Les clauses contractuelles au service de la transition énergétique

Les clauses environnementales, bien intégrées dans les marchés publics, permettent d’assurer un pilotage effectif de la sobriété énergétique tout au long de l’exécution des prestations. Ces clauses peuvent porter sur divers sujets :

  • Les modalités d’exécution : transports faibles émissions pour la logistique de chantier, réduction des nuisances énergétiques en phase travaux, tri et valorisation des déchets.
  • Les pénalités ou bonus : en fonction des résultats obtenus (atteinte des performances énergétiques visées, réduction des consommations mesurées).
  • L’obligation d’équipements sobres : LED, systèmes de régulation intelligents, matériaux à faible impact carbone.

La mise en place de contrats de performance énergétique (CPE) permet même de conditionner une partie de la rémunération de l’entreprise aux résultats en matière d’économies d’énergie. Ce type de marché est particulièrement adapté aux bâtiments publics, écoles, hôpitaux et bureaux administratifs.

Soutenir les entreprises pour répondre aux exigences environnementales

Pour que la commande publique puisse pleinement jouer son rôle de levier, il est crucial d’accompagner les entreprises, en particulier les TPE-PME, vers la maîtrise des exigences environnementales. Plusieurs dispositifs sont déjà mobilisables :

  • Les clauses d’insertion et de formation permettent de développer la montée en compétences des entreprises locales en matière efficience énergétique.
  • Les allotissements facilitent l’accès des PME aux marchés de taille plus raisonnable.
  • Les documents de consultation simplifiés et un dialogue technique préalablement à la publication permettent d’anticiper les freins liés à la complexité technico-règlementaire.

Une bonne communication entre maîtres d’ouvrage, entreprises, assistants à maîtrise d’ouvrage (AMO) et bureaux d’études est indispensable pour co-construire les nouveaux standards d’un marché public bas carbone.

Des outils d’accompagnement pour une commande publique écologique

Plusieurs outils ont été développés pour orienter les acheteurs publics vers des choix énergétiquement sobres :

  • Les guides techniques de l’ADEME sur la performance énergétique des bâtiments publics et les matériaux durables.
  • L’outil OEAP (observatoire économique de l’achat public) qui centralise des données d’achats responsables et permet des comparatifs de performances.
  • La Plateforme « Achats responsables » de l’État, avec des modèles de clauses environnementales et des outils de mesure.

Des formations spécifiques sont également proposées aux acheteurs publics pour maîtriser les nouvelles exigences techniques liées à la transition énergétique.

Vers une culture de la sobriété énergétique dans les politiques d’achat public

Pour répondre aux défis environnementaux à l’horizon 2030, la commande publique ne peut plus se contenter d’être un moteur de relance économique. Elle doit devenir l’un des instruments majeurs de la transformation énergétique des territoires. Cela suppose une approche systémique des achats, où l’impact énergétique est placé au même niveau que le coût, la qualité ou les délais.

Intégrer la sobriété énergétique dans les marchés publics demande une vision stratégique, une ingénierie contractuelle adaptée, mais aussi une montée en compétence des acteurs. C’est à ce prix qu’une commande publique sobre, efficiente et innovante pourra contribuer concrètement à la transition climatique du pays.